Les photographies Post-Mortems
Un sujet étonnant, parfois dérangeant, qui traduit notre rapport à la mort à travers le temps, et qui prouve que nos coutumes ont bien changées aujourd’hui…
Pourquoi ne pas modifier notre regard sur le sujet ?
Jusqu’au 19ème siècle, les défunts étaient peints sur de grandes toiles pour garder une trace, un souvenir dans les maisons familiales. Cette expression artistique réservée aux plus riches n’était donc pas très répandue.
Puis, avec les bouleversements de la Révolution Industrielle est apparue une invention révolutionnaire : le daguerréotype, de Louis Daguerre, l’ancêtre de l’appareil photo. Les habitudes ont très vite changé. Devenue accessible, à la portée de tous, les familles se sont mises à commander une unique photo de leurs défunts, n’ayant pas forcément pu en faire de leur vivant, manque de temps ou d’argent, afin de garder un souvenir indélébile et précieux.
C’était un procédé extrêmement lent, qui demandait énormément de patience et une position statique pendant une trentaine de minutes. Pour le mort, pas de problème me direz-vous, mais puisque le défunt posait rarement seul et plus généralement avec plusieurs membres de sa famille (fratrie, parents), cela devenait un peu plus complexe. Bien souvent les vivants apparaissaient plus flous que les morts, et ressemblaient plus à des fantômes que les défunts.
Car il s’agissait plus précisément d’un shooting photo, dans le sens dont on peut l’entendre aujourd’hui, avec une véritable mise en scène poétique inspirée du romantisme. Les défunts posaient parfois couchés, assis, voire même debout grâce à un mécanisme tout à fait ingénieux pour les maintenir. Habillés de leurs plus beaux costumes du dimanche, avec leurs objets fétiches et représentatifs d’eux-mêmes (jouets, livres, bijoux, …), dans leurs cercueils, leurs lits, sur des fauteuils, accoudés à des barrières, …Tout était possible, même les yeux fermés et plus étrangement les yeux ouverts. Les coloris des photographies pouvaient être modifiés ; ainsi il était fréquent de teinter les joues en rose ou les pupilles des yeux en noir afin de rendre le défunt plus…vivant. La photo prenait ensuite place dans l’album de famille. Puis le portrait-carte d’André Disdéri a permis de distribuer aux membres de la famille une photo du défunt et ainsi d’annoncer la disparition de l’être cher et ses funérailles. Un peu plus tard, lorsque le spiritisme était très répandu dans la société bourgeoise, un autre procédé permettait de photographier une personne vivante avec au-dessus de lui comme une âme flottante, une image fantasmagorique du défunt.
Une autre manière de conserver un souvenir du défunt : les masques funéraires.
Apparus dès l’Egypte Antique, avec le célèbre masque de Toutankhamon par exemple, ils sont réalisés en plâtre ou en cire, directement moulés sur le visage du défunt. D’abord enterrés avec eux pour les protéger dans l’au-delà, ils sont ensuite gardés et exposés. De nombreux personnages célèbres ont vu leurs visages moulés tels que Dante, Robespierre ou encore Henry IV.
Au 18ème siècle, les masques étaient plutôt utilisés à des fins scientifiques (la physiognomonie), pour permettre d’étudier et de déterminer les traits de caractère en fonction des traits physiques.
La photographie post-mortem est un sujet tout à fait tabou aujourd’hui. Il ne serait pas question, dans nos mentalités actuelles, de prendre nos chers disparus en photo. Pourtant, elle est toujours pratiquée dans certaines mesures. Par exemple lorsque l’on perd un nourrisson, le personnel des hôpitaux et parfois même certaines associations proposent de faire quelques clichés afin de pouvoir se souvenir de cet enfant si vite perdu et de faciliter le deuil des parents.
Ou encore dans certains pays comme dans l’Est de l’Europe, chez les chrétiens catholiques et orthodoxes, les éminents personnages religieux prennent toujours la pose dans leurs cercueils.
De nos jours, dans notre société où nous accumulons beaucoup d’objets, il existe plusieurs alternatives pour garder un souvenir précieux de nos défunts.
On peut par exemple se faire faire un masque de son vivant, tout comme l’ont déjà essayé Abraham Lincoln ou Benjamin Franklin.
Des bijoux également peuvent être réalisés avec des cheveux du défunt ou avec des cendres, même si la législation tend à changer et demande de garder toutes les cendres dans un même endroit, cette pratique reste toutefois encore tolérée.